lundi 3 mars 2008

Mon Meilleur Moment


Quelle est la place de la femme africaine dans la société d’aujourd’hui? Traditions qui se confrontent inévitablement aux changements, c’est à travers la discussion africaine maîtrisée comme un art que j’ai eu la chance d’être plongée dans la culture africaine comme jamais.


Réunis autour d’un coin de rue, des jeunes du quartier discutent dans l’obscurité dominante de la soirée. La discussion est animée, c’est obligé. On prépare le thé, lentement, c’est obligé. Le sujet est difficilement perceptible, on parle un moré ponctué de mots en français. Ce qui est sûr, on parle des go (filles). On récapitule sans cesse l’histoire pour les nouveaux arrivants attirés par le boucan, en reprenant bien du début et en gesticulant minutieusement les détails. En bref; le gars en question s’est fait prendre au lit avec une autre… doit-il s’excuser? On a ceux du camp du Oui et ceux du camp du Non à égalité.
La discussion est tout feu tout flamme; les arguments sont de feu et les rires sont enflammés. La nuit n’a pas de lumière et l’autre fait mousser son thé accroupi quelque part à ma gauche avec la précision d’un aveugle. Si le gars en question s’excuse, c’est qu’il ne s’appartient plus, s’il ne le fait pas c’est qu’il manque de respect à sa femme. Et si c’était elle qui lui avait fait le coup? Alors là pas de palabre, elle est dans le tort, sujet clos. La femme appartient à son homme sans aucun doute, il la fait vivre n’est-ce pas? Et si elle voulait être autonome et gagner sa vie? Non non non, on lui a payé un mariage ce n’est pas pour devoir se faire à manger et faire garder les enfants. Les questions autant que les réponses rebondissent à grand éclat dans le plus grand respect des opinions et des oppositions. Plus la confrontation est importante, plus le fou rire qui s’en suit est retentissant. Dans ce cas, est-ce qu’on peut violer sa propre femme alors qu’elle nous doit tout, qu’on l’a marié? On est toujours à égalité entre le Oui et le Non. Les silhouettes dans le noir se régalent.
Un sujet de fond, une confrontation de valeurs majeure, une société en changement et cette jeunesse qui l’entreprend en étant ce qu’ils sont, en sachant ce qu’ils étaient et en se questionnant sur ce qu’ils seront. Le moré, le Dioula et le français dans la même phrase, le catholique et le musulman autour de la même théière et une volonté commune de vivre ensemble.
Peu importe que les arguments m’est scindée en deux, peu importe qu’étant la seule go présente, on m’a à peine adressé la parole et encore moins demandé mon avis, peu importe que le désaccord soit total et à la limite irréconciliable, peu importe que le gars à ma gauche n’ai pas de lumière pour couler son thé, peu importe. Le moment était à couper le souffle et ces rires du respect nous donnaient l’oxygène.
Comment ai-je pu écouter sans réagir, moi, québécoise, issue d’une société libérée, moderne, où la femme est égale à l’homme et s’est battue pour cette avancée. Peut-être parce que je prenais un curieux goût à entendre avec franchise des opinions devenues tabous au Québec ou peut-être même plus parce que le sujet renvoie la question inverse chez nous; quelle est la place de l’homme québécois dans la société d’aujourd’hui?

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